Donoma ou l’art de réaliser un film avec 150 euros

150 euros de location de smoking. Pour une scène coupée au montage. C’est ce qu’aura coûté le film Donoma, qui sort en salle aujourd’hui. Pari insensé à l’heure où le budget d’un film moyen est de trois millions d’euros, et pourtant pari tenu pour Djinn Carrenard, jeune cinéaste qui s’était juré de réaliser son premier film avant ses trente ans.

Son histoire commence il y a deux ans et demi, quand Djinn Carrenard, après avoir appris les rudiments de la réalisation sur internet, décide de se lancer à l’eau et de réaliser son film sans faire appel à une société de production, afin de ne pas subir de pression liée au financement:

« Pour mon premier film je voulais savoir ce que c’est de travailler librement sans aucune autre exigence que celle de faire un film que j’aurais été prêt à payer pour voir. Pour moi ce premier film allait me permettre de garder mon froc et mes convictions pendant toute ma carrière cinématographique »

Il engage des acteurs bénévoles, des amis à lui prêts à le suivre dans l’aventure sans rien attendre en retour, et s’improvise technicien unique, de la réalisation au cadre en passant par le montage ou le son. Il se fait prêter le matériel et quand cela n’est pas possible il s’en passe.

Conscient des réalités du marketing cinématographique, Djinn Carrenard sait pourtant que s’il veut avoir des chances que son film ne reste pas au placard comme tant d’autres, il faut qu’il le fasse connaître. Il engage alors une véritable « guérilla » 2.0 avec ses acteurs : happening au Forum des Halles, mise en ligne de vidéos sur le site dédié pour présenter les acteurs ainsi que des teasers du film au fur et à mesure de l’avancement du tournage, création d’une page Facebook, distribution de flyers, de kits du « Guerillero Donoma », avec ce slogan « Je veux voir Donoma » à coller sur les murs, tournée en bus dans les grandes villes de France …

Le buzz fonctionne et l’engouement est au rendez vous, à tel point qu’un an après le début de l’aventure, alors que le film vient juste d’être bouclé, Donoma est présenté à Cannes en Mai 2010, dans la section ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion).

Malgré les critiques enthousiastes que le film suscite à Cannes, aucun distributeur ne souhaite parier sur le jeune cinéaste, et Djinn Carrenard devra encore attendre un an et demi pour que son film soit enfin distribué avec le concours d’Arte et de la société de distribution Commune Image Media.

C’est donc la consécration pour ce film choral hors norme qui s’axe autour de trois histoires, trois destins croisés, trois femmes : une enseignante qui s’engage dans une relation ambiguë avec un élève de sa classe ; une jeune femme déçue en amour qui décide de sortir avec le premier venu et une jeune fille agnostique.

Comparé à Rohmer, Doillon ou Pialat, Djinn Carrenard subjugue déjà les critiques les plus intransigeantes comme les Cahiers du Cinéma qui dépeignent Donoma comme « un film qui ne ressemble à rien de ce qui a été vu ».

Première véritable réussite d’un cinéma participatif qui a vu le jour il y a quelques années sous l’impulsion de sites comme Touscoprod.com ou Peopleforcinema.com, Donoma  ou « le jour est là » en langue sioux, connaît enfin son heure de gloire. Après avoir rempli les 2700 places du cinéma Le Grand Rex à Paris, pour une séance exceptionnelle, il sort ce mercredi dans 23 salles en France.

Une belle leçon d’espoir pour tous les aspirants cinéastes.

 – Jennifer Troszezynski

Le site du film

BANDE ANNONCE DONOMA par Donoma

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