Variety revient sur le parcours d’un homme dont l’histoire est intimement liée à celle du cinéma marocain. Il s’agit de Noureddine Saïl, Président du Centre Cinématographique Marocain (équivalent du CNC en France). Noureddine Saïl joue un rôle central, depuis plusieurs décennies, dans la restructuration et l’émergence d’une industrie cinématographique marocaine.
Né à Tanger en 1948, il se consacre très tôt à sa passion, le cinéma. Il lance dans son garage un vidéo club qui comptera 80.000 membres à l’échelle nationale. Il édite également un magazine militant pour une industrie du cinéma plus forte et finit par se faire remarquer et nommer directeur des programmes de la chaine TVM en 1984. Il s’envole, cinq années plus tard, à Paris pour rejoindre le géant français de la télévision payante Canal+, à l’époque en pleine expansion internationale.
De retour au Maroc en 2000, il prend les rênes de la chaine 2M qu’il redresse grâce à une recapitalisation massive, une meilleure programmation et surtout une politique d’aide à la production nationale qui conduit à un enrichissement de l’offre. Saïl ajoute « Nous avons contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de talents marocains ».
Son arrivée au Centre Cinématographique Marocain intervient en 2003. Cette institution de grande envergure est l’instrument principal d’une politique volontariste de l’Etat marocain visant à faire émerger une industrie cinématographique marocaine forte. Noureddine Saïl y pilote la montée en puissance des aides et de la production nationale. Il y établit surtout des règles d’attribution des aides plus transparentes, comme en témoigne Nabil Ayouch, cinéaste et producteur marocain.
L’impact de ces actions ne s’est pas fait attendre puisqu’entre 2003 et 2011, la production marocaine a bondit de 7 longs et 10 courts à 25 longs et 80 courts. Par ailleurs, l’ère Saïl a aussi été celle d’un cinéma qui traite des tabous tels que la religion, les contre-cultures ou le statut de la femme. En effet, s’inspirant de modèles de cinémas émergents tels que le cinéma sud-coréen, Noureddine Saïl, a offert un soutien fort aux jeunes cinéastes s’attaquant aux sujets de société peu abordés auparavant.
Cette politique n’a pas manqué de suscité les critiques de milieux conservateurs, critiques que M. Saïl considère comme faisant partie du jeu démocratique. Il reste également optimiste malgré la victoire des islamistes modérés du Parti Justice et Développement aux législatives du 25 novembre dernier. En effet, ces derniers, malgré quelques sorties inquiétantes lors de leur travail parlementaire d’opposition ces deux dernières décennies, semblent aujourd’hui bien plus pragmatiques et mesurés.
Les réussites de Noureddine Saïl n’ayant pas contribué à endiguer la grave crise que traversent les salles de cinéma au Maroc, l’une de ses priorités immédiates, est un ambitieux programme de construction de multiplex avec 45 nouveaux écrans prévus pour les 18 prochains mois. Aussi, en tant que vice-président du Festival du Film de Marrakech, il prévoit de lancer un forum de co-production.
Il conclut son entretien avec Martin Dale de Variety en disant : « Le cinéma marocain possède de grands talents, une expertise technique, une création diversifiée et une plus grande expérience en production » et ajoute « je suis là pour défendre ces valeurs ».
Othman Benmansour
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