Master class de Claude Lelouch

Master Class de Claude Lelouch dans le cadre du salon SATIS, le mardi 13 novembre 2012

Durant cette Master Class, Claude Lelouch est d’abord revenu rapidement sur sa vision du cinéma. « Filmer les gens à hauteur d’yeux », pour déceler ces « parfums de vérité » qui forment les moments de magie, « aller chercher cette vérité que personne ne détient », telle est son ambition artistique et la manière avec laquelle il aborde les sujets dans ses films. A cette fin, la technologie est un élément clé du métier de réalisateur,  et elle est profondément liée à l’identité même de ses films.

Il est impensable, selon Lelouch, qu’un réalisateur ne s’intéresse pas à la technique. Comme un peintre avec son pinceau, le réalisateur exerce son art à travers la caméra. Or il est désormais possible, avec les nouvelles caméras ultra légères et maniables, de « faire un film comme un être humain, et non plus comme un monstre », inséparable de ces énormes machines. C’est un vrai rêve de gosse qui se réalise pour lui.  Mais pour Lelouch, l’arrivée des nouvelles technologies dans le domaine audiovisuel est principalement bénéfique pour le contenu même des films, davantage que pour la forme. « L’émotion n’est pas dans les pixels mais dans les acteurs ». En effet, les nouvelles caméras permettent d’avoir plus de temps pour « chauffer » les acteurs avant d’arriver aux répliques essentielles. Alors que le « Moteur, action ! » était hier indispensable pour délimiter le temps d’enregistrement sur du matériel qui était coûteux, il est aujourd’hui possible de laisser tourner la caméra le temps qu’il faut pour obtenir la meilleure des prises.

Au fond, Lelouch s’oppose à ceux qui diront que les nouvelles technologies tuent le cinéma, car, si tout le monde peut faire des films aujourd’hui avec l’aide de son portable ou de son appareil photo, peu de personnes ont vraiment l’ambition de faire du cinéma.  A moins d’avoir une « véritable obsession » pour cet art, que ce ne soit une « drogue », on ne fait pas du cinéma. Et finalement, « tant mieux s’il y a autant de gens qui désirent aujourd’hui faire des films, car on aura plus de chances d’en trouver des bons ! »

Mais si le cinéma est intrinsèquement un « art de technologie », à la différence du théâtre, beaucoup de réalisateurs aujourd’hui s’entourent de nombreux techniciens de l’image pour effectuer les différentes tâches, dont le cadrage. Un véritable metteur en scène, dit Lelouch, doit savoir manier lui-même sa caméra, à la manière d’un écrivain qui écrit seul son histoire, décide de la lumière et de sa musique. Or cette dernière lui tient particulièrement à cœur : il considère la musique comme un des acteurs principaux d’un film, et c’est pourquoi il tient à choisir sa musique en amont de la fabrication de son film. « Elle parle au cœur des gens, à notre inconscient, ce qu’on ne domine pas ». En effet Lelouch parle de ses films comme des films qui parlent davantage au cœur qu’à l’intelligence, et à ce titre il se doit de travailler avec ses musiciens « comme s’ils étaient des acteurs ».

De même, il estime qu’un véritable metteur en scène ne peut pas déléguer le montage. Cette phase essentielle dans la fabrication un film est la synthèse de tout le travail fourni pendant le tournage et donnera sa vraie identité au film. Pour Lelouch, la prouesse ultime est celle du plan séquence, c’est même l’ « aristocratie du cinéma ». Pas de coupure, donc pas de tricherie : le plan séquence doit pouvoir frôler la perfection. « Il n’y a pas de grand cinéaste sans plan séquence. » Il fait notamment référence au dernier film de Michael Haneke, Amour, qui a reçu la Palme d’or au dernier Festival de Cannes, et qui comporte à ses yeux de très beaux plans séquences Et s’il devait élire le plan séquence le plus marquant de sa carrière ? Il choisirait celui de La Traversée de Paris, d’une durée totale de 9 minutes.

Enfin, Claude Lelouch nous a fait part d’un projet à long terme, celui de la création en 2014 des « Ateliers du cinéma » à Beaune, une formation destinée à 30 élèves issus pour moitié des grandes écoles, et pour moitié d’autodidactes. Ces élèves seront amenés à produire chacun un court-métrage, le meilleur d’entre eux se voyant offrir la production de son prochain long-métrage. Les plus grands metteurs en scène interviendront dans ces Ateliers (Woody Allen, Francis Ford Coppola), et ces rencontres seront retransmises pour les personnes extérieures à la formation. C’est une manière pour lui de transmettre son expérience de cinéaste aux jeunes générations, mais aussi d’ « éduquer le public » à travers la richesse de ces leçons de cinéma.

Mehdi Boutaleb et Diane Noesser

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