Fils de Peter Brook, Simon Brook, réalisateur et producteur de documentaires, est venu dans le cadre du Master 2 Pro « cinéma, télévision, nouveaux médias » nous parler des ficelles de son métier, de son expérience de documentariste, et des enjeux contemporains du documentaire en France.
Sous le signe de rétrospective (sa vie, son oeuvre) et de la perspective (de quoi l’avenir du documentaire sera fait), son intervention partait d’un postulat pessimiste : il se pourrait bien que le documentaire ait déjà ses plus belles heures derrière lui. Si le web-documentaire semble être un vivier de nouvelles formes, de nouvelles voies narratives, li se pourrait également, nous dit-il, que ce ne soit qu’une mode, comme le docu-fiction a pu l’être il y a quelques années.
Le documentaire cinématographique serait ainsi en perte de vitesse, ce qui, nous dit-il, est dû de la concurrence de nouvelles formes : la télé-réalité, Youube, le piratage bien-sûr, et les émissions de reportage qui pullulent sur la TNT. C’est à ce tire que Simon Brook nous a éclairé sur la distinction entre le documentaire et le reportage. Là où le reportage, fait pour la télévision, est l’oeuvre d’un journaliste qui cherche à exposer une situation, un problème, en exposant tous les points de vue, le documentariste lui, ne parle que de son propre point de vue. D’un côté, la voix off est systématique, de l’autre, elle est superflue. Cette distinction conduit à une autre, qui aujourd’hui régit le monde du documentaire : celle entre le « haut de gamme » et le « bas de gamme ». Car avec les nouvelles technologies, les écrans nomades, l’expérience sur grand écran est de plus en plus valorisée, d’où des documentaires au budget important, conçus pour faire vivre une « expérience » au spectateur. Les documentaires animaliers, dont les Français restent friands, en sont le parfait exemple. Ce constat quelque peu « noir » n’a empêché Simon Brook d’avoir une carrière prolifique, produisant de nombreux documentaires, comme un docu-fiction La Légende vraie de la tour Eiffel (en collaboration avec Mr Dusséaux), qui s’exporta très bien à l’étranger, ou le documentaire Sur le fil, dédié à la vie et l’oeuvre de son père.
Mr Broook nous a surtout expliqué son métier au travers de sa dernière œuvre, Mon docteur indien. Ce documentaire raconte l’histoire d’une cancéreuse, Nella Banfi, qui partit en Inde et y guérit grâce à la médecine ayurvédique. Après cette guérison que l’on pourrait qualifier de miraculeuse, elle emmène son oncologue français, Thomas Tursz, en Inde, sur les traces des médecines alternatives. Ce documentaire avait comme intention de mêler l’humour, une intention subversive, et comme fond un nouveau regard sur le cancer. C’est surtout l’histoire de la création de ce documentaire qui constitue un enseignement. D’abord prévu pour France 5, Brook dut partir en repérage en Inde sans producteur ni diffuseur. Il essaya ensuite d’en faire un long-métrage pour le cinéma grâce à une co-production Arte (3 co-productions documentaires par an), qui lui fut refusée. Finalement produit par Arte (en coproduction avec Artline Films) et diffusé cet été, Mon Docteur indien reçut une bonne audience, et un site internet dut être créé pour le film afin de pouvoir répondre aux multiples questions des internautes.
© Arte France, Artline Films
Le bilan de cette expérience, nous apprend Simon Brook, c’est que la réalisation et la production de documentaire est un métier d’acharnement et de solitude, où il faut travailler sans compter, mais où tout reste possible. S’il a commencé son intervention sur une note pessimiste, Simon Brook l’a fini sur une note positive. Certes, aujourd’hui la télévision est la principale source de financement et de diffusion de documentaires, mais demain, ce seront les sites qui s’ouvrent à la production, tels Netflix, Google ou Amazon, qui le seront, ce qui offrent des possibilités qu’il n’est pas encore possible d’appréhender.
Flore Di Sciullo
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