Eric Geay (SND) – Comment un film est-il sorti en salle?

Eric Geay (SND)

Nous avions l’honneur d’accueillir en Janvier M.Eric Geay, responsable acquisitions et développement chez SND Films (Groupe M6). SND fait partie des 3 unités d’acquisition de M6, dont les deux autres sont l’unité d’acquisition des films et téléfilms pour les chaînes de télévision et M6 Films. SND appartient 100% à M6 mais reste indépendant totalement quant au choix artistique et se distingue de M6 Films qui se destine vers les gros comédies en prime time.

À l’origine, SND Films était une entreprise créée en 1997 et dirigée vers l’achat des oeuvres cinématographiques, plus tard s’intègrent d’autres services: l’acquisition de droit, l’édition de vidéo, la vente internationale et récemment la production. SND n’a pas vocation de devenir producteur mais vise au partenariat avec des producteurs, dans la mesure où l’acquisition se fait souvent plus vite que la production. Quant à la vente internationale, parmi les plus gros acheteurs se trouvent la Belgique, la Suisse, le Canada et l’Allemagne. Néanmoins, la SND n’est pas un “mega” vendeur sur le marché international.

Chez SND, l’acquisition se fait autour des gros films américains et des petits films français. Le premier gros achat de l’entreprise était Gang de New York. Le mode d’exploitation des films acquis évolue lors du changement de l’exploitation sur d’autres support. Avant les cases de prime time pour des long métrages sur les chaînes de télévision étaient plus nombreuses qu’aujourd’hui. Les diffuseurs ont eu besoin d’un nombre assez important des films étrangers pour garder leurs abonnés. Au fil du temps, en raison de la diminution des tranches horaires réservées aux long métrages, les films acquis ne sont plus destinés à la diffusion télévisuelle mais sont jugés plutôt selon leur potentiel sur le marché de VOD. 90% des films sont acquis en pré-achat.

Un film ou plutôt un projet de film sera examiné sous plusieurs angles. L’évaluation artistique se fait en même temps avec l’estimation de tout ce qui concerne le côté financier. On prend en compte le genre du film, le casting, la société de production ainsi que l’impact imminent du film sur l’image de la SND. Gangs of New York ou Yves Saint Laurent sont les deux bons exemples des films susceptibles d’apporter une grande visibilité de SND auprès d’autres distributeurs.

Actuellement le marché français est dominé par les films de grand public. Les films destinés à d’autres public que celui des 35+ (par ex les films destinés aux adolescents qui sont le public cible de plusieur distributeurs américains) seraient relativement compliqués pour des distributeurs français. Cela explique l’absence de certains films américains en France, malgré leur succès aux États-Unis. La seule et simple raison est qu’on n’arriverait pas à trouver un marché pour ces films.

Le processus d’acquisition commence lors de l’accueil d’une oeuvre envoyée au distributeur soit par un producteur (films français), soit par un vendeur (films étrangers). Souvent on réduit le temps de travail en recevant les scénarios proposés par les sociétés représentantes des talents. Le marché français est différent du marché international dans la mesure où il est plus complexe et moins structuré.

Pour travailler dans la distribution, on devrait être actif et se lancer dans la recherche des projets au lieu de les attendre. Et comme tous autres métiers, la distribution demande des professionnels de constituer un réseau domestique et international qui se compose des producteurs, scénaristes… Quant à la lecture de scénario, c’est impossible de tous lire (on reçoit environ 1000 scénarios par an). La solution est de classer dans une liste les scénarios venant des producteurs qu’on connaît déjà… Et on va choisir à lire selon certaines critères.

La lecture de scénario est une partie importante du travail d’un distributeur car elle sera plus tard la base de la négociation commerciale. Aux États-Unis, selon Eric Geay, les lecteurs de scénario qui savent lire au vrai sens du terme ne sont pas nombreux. Pour bien choisir un scénario, on doit s’entraîner régulièrement. On examine un scénario en se basant sur son goût et en tous cas c’est la pratique qui compte. La lecture est d’autant plus important qu’on doit bien comprendre le scénario avant de proposer au scénariste des modifications. Il faut lire avant de juger, car le scénariste n’attend pas à ce qu’on fasse des commentaires négatifs sur son travail. Une lecture minutieuse éviterait le conflit inutile entre le lecteur et le scénariste.

L’achat de droit de distribution des films américains et des films français ne se fait pas d’une même manière. Pour les films américains, on acquiert de droit de distribution en France et dans les pays francophones, on a le droit d’exploitation du film en salle, en vidéo, sur les chaînes de télévision (payantes et gratuites)…. Pour les films français dont la production est garantie partiellement par les chaînes de télé, le droit d’exploitation sur ce support n’appartient pas au distributeurs. Il arrive parfois qu’on achète seulement le droit d’exploitation de vidéo ou le droit de vente internationale si jamais le film ne sort pas en salle (surtout les films d’auteur ou les films trop pointus). Pour l’acquisition des films étrangers, souvent on signe avec le vendeur international seulement un contrat qui regroupe tous les mandats, alors que pour les films français, on a besoin plusieurs contrats (de 4 à 5). Le nombre d’entrée en salles et les recettes générés par d’autres types supports, le genre du film, le frais d’édition… sont les éléménts clés lors de l’évaluation d’un film. La somme générée par le film suffirait-il la gestion de l’entreprise? Cette question essentielle pèse toujours sur la décision d’un distributeur.

Après l’évaluation du potentiel d’un film, on laisse le service du marketing s’occuper du reste (poster, matériel pour le making-of…). Le making-of est en charge des distributeurs qui ont la tendance de le faire de moins en moins, surtout quand il s’agit des films américains vendus accompagnés des bonus. Un autre détail qu’on ne devrait pas oublier: le choix de la musique qui est aussi un choix financier important. Il faut bien surveiller cette phase qui peut causer l’excès budgétaire. La supervision musicale est prise en charge très tôt par des boîtes externes qui travaillent en collaboration avec le distributeur. Le montage final du film est décidé après le test-screening qu’on organise entre familles et amis pour capter leur réactions sur le film, c’est ainsi que 60 avant-premières de “9 mois fermes” ont eu lieu.

La date de sortie varie selon chaque contrat mais souvent on a le droit de sortir le film 6 mois après la réception de matériel. Il s’agit toujours des cas exceptionnels où on peut le faire 2 jours avant le pays original.

À la fin du séminaire, on a regardé ensemble le discours de Kevin Spacey qui affirme qu’à l’heure actuelle, les studios sont moins importants que la matière qu’on va apporter.

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