Jeudi 3 décembre, le Master 2 a eu le plaisir de recevoir Sophie Goupil, productrice au sein de la société « Les Poissons Volants». Elle nous transmet son expérience et sa passion pour la production indépendante audiovisuelle et cinématographique, ainsi que sa vision de l’avenir du genre documentaire en France.
Commençons par un bref avant-goût biographique : « Nourrie » au cinéma de part son environnement familial, elle se lance dès ses 17 ans, dans cette industrie culturelle en tant que scripte. Puis elle se consacre à l’écriture de scénarios, avant de découvrir le montage. Mais l’aval de la chaîne de fabrication ne lui suffit pas, elle veut initier des projets, agréger des talents. En 1989, elle crée la société « Les Poissons Volants » et devient productrice. « Je souhaite mettre mon énergie en action et fédérer celles des autres pour que des films de qualité se fassent », nous confie-telle. Au sein d’un catalogue prolifique, elle a notamment produit des documentaires télévisuels tels que « Buren et le Guggenheim » de Stan Neumann, « Les Marabouts » de Chantal Richard, ainsi que des longs métrages comme « Après la pluie… les amoureux » de Négar Djavadi.
Ainsi parmi ces projets tous plus riches les uns que les autres, Sophie Goupil nous propose une autopsie plus poussée de ses productions contemporaines, « Les Petits Secrets des Grands Tableaux » diffusé sur Arte ainsi qu’un documentaire, « Happy Rain, Pluie Fertile au Bangladesh » qu’elle présenta le vendredi 4 décembre à l’occasion de la COP21 dans le cadre d’une projection – débat aux « Espaces Générations Climat ». Plongée au cœur de deux aventures humaines ô combien ambitieuses :
Immersion pédagogique dans les mystères de l’histoire de l’art
En 2012, le dimanche midi sur Arte, la case tourne à vide et n’est certainement pas la plus simple à ranimer. Ainsi Sophie Goupil a une ingénieuse idée : une collection inédite de formats courts (26 ́) pour sonder les énigmes des chefs d’œuvre intemporels de la peinture.
« Les Petits Secrets des Grands Tableaux », coécrit par Élisabeth Couturier et Thomas Cheysso, propose une mise en lumière interactive des iconographies et contextes se cachant derrière ces trésors picturaux, de l’invention de la peinture à l’huile par le flamand Jean Van Eyck à la superposition des figures folkloriques et modernes de La Vie Mélangée de Kandinsky. Le spectateur est ainsi amené à pénétrer dans l’espace des tableaux, habilement guidé par une infographie animée et une musique d’époque.
Opérant un travail de vulgarisation hors du commun, la productrice a surtout su s’entourer des meilleurs pour façonner une création si exigeante : une conseillère scientifique, une documentaliste, une historienne, un ingénieur de l’Ircam pour le sound design, une équipe soudée d’infographistes et animateurs 2D/3D… Le résultat, bluffant, fait montre d’une cohérence éditoriale authentique et soignée.
Essai transformé, puisque non seulement l’audience de l’antenne a plus que doublé (1,8%) mais la version délinéarisée d’ARTE Creative avoisine les 800 000 vues. Après deux saisons couronnées de succès, Sophie Goupil poursuit donc l’aventure, cette foisci sur les territoires futuristes de la réalité augmentée et de la spatialisation sonore. Si la peinture est un art, la production en est un autre.
Un tournage à l’épreuve des saisons
Chaque année, descendant de la Chine, du Népal, du Bhoutan et de l’Inde les eaux des rivières et des fleuves inondent et viennent enrichir les terres du Bangladesh durant les longs mois de la mousson.
« Happy Rain, Pluie Fertile au Bangladesh », dernier film d’Isabelle Antunès, poursuit l’initiative d’une ONG déterminée à pratiquer la pisciculture dans ces zones inondées, créant de fait une véritable économie locale.
Un tel projet ne peut que séduire Sophie Goupil, qui décide de le porter et le soutiendra à bout de bras.
Outre un préfinancement chaotique (refus de tous les diffuseurs excepté France Ô pour un montant minime, pleine réforme du COSIP…), la production a du faire face à des difficultés majeures de tournage. Si bien qu’il a fallu former des techniciens bangladais, par téléphone, pour ne pas copieusement dépasser un budget déjà fragilisé. Le tout rythmé par un compte à rebours des plus intransigeants : le déplacement de la mousson, sujet central de ce documentaire.
En manque évident de moyens, même avec une campagne Kisskissbankbank réussie, le studio n’a eu d’autre choix que de piocher dans ses fonds propres. Des regrets ? Sophie Goupil n’en a aucun, car elle estime vital que certaines initiatives puissent s’exprimer. Le projet a donc fini par voir le jour, et a trouvé une excellente réception du public.
Mais la productrice ne reste pas moins sceptique quand à l’avenir du genre documentaire, au regard du déclin de qualité de ces dix dernières années. Elle regrette l’apogée contemporaine du documentaire « de faits divers », bayonnant le traitement de sujets sociaux plus profonds. Le diffuseur doit rapidement reprendre conscience de son rôle phare dans la création, avant que d’autres modèles ne s’inventent.
Et maintenant ?
« L’Utopie des Images, La Révolution Russe Racontée par son Cinéma » entre tout juste en production chez « Les Poissons Volants », autour du centenaire de la révolution Russe, qui sera illustré par des extraits des premiers films du cinéma soviétique : de 1918 à 1934.
Comme un poisson dans l’eau, Sophie Goupil ne cesse de s’envoler vers de nouveaux horizons.
Souhaitons-lui donc bon voyage.
Jacques Sindt & Anaïs Dagoret
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