[Revue de presse] Du 18 au 25 octobre 2018

Droit d’auteur : Youtube lance une démonstration de force contre l’article 13 

Ce lundi 22 octobre, Suzanne Wojcicki, la directrice de YouTube, lance un hashtag #SaveYourInternet en réaction avec l’article 13 de l’Union européenne.
Elle invite les influenceurs de la plateforme à se mobiliser, pointant du doigt le fait que cela risque de “dramatiquement changer internet comme nous l’aimons » : moins de choix de contenu pour les pays européens, l’interdiction de chaînes en live… mais cela pourrait surtout signer l’avènement suprême du contenu des grandes entreprises sur la plateforme.

En pratique, cet article oblige les grands sites qui permettent aux internautes de publier des vidéos ou des sons, à nouer des accords avec les titulaires des droits d’auteur. Faute d’entente entre les plates-formes en ligne et les ayants droit, les premières devront faire en sorte d’empêcher la mise en ligne des œuvres protégées.
L’article 13 fait l’objet d’un vif débat. Les sociétés d’auteurs et les grands éditeurs défendent le texte, qu’ils considèrent comme étant un “indispensable outil de contrôle des grandes plates-formes”. Face à eux, les grandes sociétés du Web, mais aussi les défenseurs des libertés numériques, dénoncent le risque d’une censure accrue et une menace pour les parodies et autres détournements.

L’interprétation de Mme Wojcicki selon laquelle le texte obligerait YouTube à « n’autoriser que le contenu d’un certain nombre de grandes entreprises » nous semble douteuse. Ces problématiques sont loin d’être nouvelles, et YouTube a déjà développé depuis des années son propre système de reconnaissance automatisée des contenus appelé “ContentID”. Ce dernier est capable de reconnaître automatiquement les œuvres protégées par le droit d’auteur qui sont alors soit supprimées, soit monétisées au bénéfice des ayants droit. De plus, l’article 13 risquerait surtout de pénaliser les « petites » plates-formes, et non YouTube, déjà bien armé pour l’appliquer.

 

Facebook opère un changement de direction stratégique suite à la suite de son année noire 

Selon le site The Information, Facebook chercherait à s’offrir une entreprise de cybersécurité suite aux différents scandales que la plateforme a connu cette année. En 2014, elle avait déjà acquéri une start-up spécialisée dans les malwares et les accès non autorisés (Private Core). L’entreprise souhaiterait cette fois agrémenter ce système d’une technologie qui permettrait une meilleure sécurisation des comptes utilisateurs, et a également prévu de doubler ses effectifs sécurité de 10 000 à 20 000 employés cette année.

Parallèlement, et après des mois de négociations, Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg ont annoncé le 19 octobre avoir embauché Nick Clegg à la tête du service Affaires mondiales et communication de Facebook. Ancien vice-Premier ministre britannique de 2010 à 2015, mais aussi et surtout ancien négociateur auprès de la Commission européenne et ancien député européen, il s’installera en janvier dans la Silicon Valley.

Ces décisions semblent pointer vers un changement de direction stratégique de la part du géant du numérique. Depuis le début de l’année, Facebook voit s’enchainer les problèmes liés à l’utilisation des données (Cambridge Analytica, taxation des GAFAM au coeur des débats européens, répercussions encore difficiles à évaluer du RGPD, etc), ce qui l’a rendu à la fois moins crédible aux yeux de ses utilisateurs, et d’autant plus vulnérable face aux instances politiques, notamment européennes, qui ont une légitimité d’intervention sur ces sujets.  L’arrivée de Nick Clegg ainsi que le recours à une entreprise extérieure semblent donc illustrer un sursaut de responsabilité de la part de Facebook, voire même une volonté du réseau social de se soumettre enfin aux demandes des régulateurs. De notre point de vue, il s’agit surtout de tenter de masquer une incapacité à assurer la sécurité des données de millions de personnes, et de se protéger au mieux en faisant appel à des lobbyistes suffisamment expérimentés, européens de surcroît, pour faire face aux feux du vieux continent.

 

Canal + abandonne temporairement les négociations avec le cinéma 

Le vendredi 19 octobre, Maxime Saada, le président de Canal+, a envoyé un courrier aux organisations du cinéma français Blic, Bloc et ARP pour mettre fin aux négociations entamées pour le renouvellement de l’Accord de 2015, dans le cadre de la réforme de la chronologie des médias. Canal était prêt à signer le projet qui, depuis le 6 septembre, était à sa phase finale. Cependant, étant confronté à une diminution de leurs temps d’exclusivité dans la diffusion de films, la chaîne a déclaré ne plus vouloir faire de concessions.

Face à la baisse des ressources de son groupe, Saada affirme que les chaînes en clairs vont voir leur délai avancer de 6 mois, alors qu’elles n’ont pas autant de contreparties envers le cinéma. En outre, la croissante concurrence de la SVOD face la télévision, a obligé le groupe à changer son modèle économique plusieurs fois au long des derniers trois ans. L’accord de 2015 expirant le 31 décembre 2019, Canal+ compte créer un calendrier de négociations en début de l’année prochaine. Néanmoins, si aucun accord n’est trouvé, l’État devra légiférer sur la question de la chronologie des médias.

 

Netflix utilise le nombre d’abonnés Instagram de ses talents comme indicateur de popularité de ses séries 

Dans son rapport aux actionnaires pour le troisième trimestre 2018 publié le 16 octobre, Netflix a joint un graphique du gain d’abonnés de ses acteurs sur Instagram. On retrouve notamment les chiffres concernant les héroïnes de Stranger Things et de 13 Reasons Why, ou encore l’acteur principal du dernier carton de la plateforme, À tous les garçons que j’ai aimés. Reed Hastings, le CEO de Netflix, semble assez fier dudit graphique, déclarant que «  Cette croissance explosive en popularité est un bon indicateur, qui montre que nos séries et nos stars deviennent célèbres dans le monde entier ». En revanche, aucune mesure d’audience n’accompagne ce document, l’entreprise ayant toujours pris le parti de ne jamais dévoiler ces chiffres.

Il est intéressant de constater comment Netflix continue à utiliser son silence autour de l’audience dans sa stratégie marketing. Dans la mesure où l’entreprise refuse de se soumettre à cet indicateur capital pour les acteurs traditionnels, il est alors impossible de comparer la plateforme à ses concurrents sur ce terrain. Par ailleurs, Netflix n’a ainsi pas à communiquer sur ses flops, et peut utiliser les données qui lui conviennent pour illustrer tout et n’importe quoi, ce qu’elle fait notamment ici. Comment prendre au sérieux des tels chiffres pour juger le succès les contenus concernés?

Il convient également de noter qu’à la veille du retrait de la plateforme d’un certain nombre de contenus très attractifs (lancement des plateformes WarnerMedia et Disney oblige), cette publication semble indiquer une volonté de Netflix de capitaliser non plus seulement sur ses productions originales, mais aussi sur de jeunes et nouveaux talents. Cette stratégie, adoptée par plusieurs chaînes historiques, est d’autant plus sage qu’elle permettrait une économie des coûts de production qui ne pourrait que faire du bien à une entreprise reposant sur le système de la dette, et qui voit son avenir s’obscurcir face à la montée des taux d’intérêts prévue aux Etats-Unis.

 

Arte lance « Arte in italiano »

Le 17 octobre, la version italienne d’Arte, Arte in italianno, est disponible sur le site (arte.tv/it), ainsi que sur les applications pour smartphone, tablette et télévision connectée. Sa programmation sera également diffusée sur Tivùon!, qui fait partie du bouquet de chaînes italiennes par satellite TivùSat, et sur le site de la Radio Télévision Suisse Italienne (rsi.ch/cultura). Arte in italianno accueillera en échange certaines émissions de la RSI.

Cette nouvelle offre est une étape importante dans l’adaptation de la chaîne, dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel public dont un des objectifs principaux est de correspondre aux nouvelles pratiques spectatorielles. En plus des versions française et allemande, ce service était déjà disponible en langue espagnole, anglaise et polonaise, de sorte qu’Arte s’adresse désormais à 70% des Européens dans leur langue maternelle.  Cette stratégie digitale atteste en effet la présence numérique de la télévision publique française et européenne, qui aura encore plus de la moitié des programmes accessible dans le monde entier.

 

CNC : vers une mutation digitale du marketing des salles de cinéma 

Afin d’accélérer la mutation digitale du marketing des salles de cinéma, Frédérique Bredin, présidente du CNC, a impulsé des formations en région, des financements de postes de médiateurs dédiés à l’animation du digitale et appelé à des projets pour des applis mobiles permettant aux salles de poster leurs programmes et d’envoyer des SMS ou alertes.
Après 4 mois de chute consécutive des entrées les exploitants de salles de cinémas sont fébriles. si la numérisation du parc a été fait au pas de course, le marketing digital qui est un instrument de fidélisation et de rajeunissement du public reste, lui, à la traîne. Selon une étude du CNC, 57% des spectateurs aimeraient réserver en ligne et 64% voudraient être informés via les réseaux sociaux, de la programmation et des évènements. Or seuls 23% des établissements offrent ces services. Parmi les 1 159 salles dites mono-écran une seul sur deux ne dispose pas d’un site internet adapté aux mobiles.

Difficile pour le cinéma français de se lancer dans le monde du digital, tandis qu’en Nouvelle Zélande la société Movio, créée en 2006, et Showtime Analytics, start-up irlandaise lancée en 2014, sont aujourd’hui les deux prestataires de la collecte et de l’analyse de données les plus connus dans le cinéma. Leur objectif est double: donner aux exploitants une connaissance suffisamment fine de leurs spectateurs pour pouvoir leur faire des offres personnalisées de nature à les inciter à retourner au cinéma mais également de fournir aux exploitants des informations leur permettant d’évaluer, aussi précisément que possible et en temps réel, les performances de leur activité.

En France, il serait temps de s’y mettre ! Cela permettrait aux exploitants d’évaluer leurs résultats en les comparant à ceux d’autres salles afin d’essayer de corriger les contre-performances éventuelles. Peut-être un nouveau marché à conquérir pour les futurs professionnels du secteur ?

 

Google pourrait faire payer ses applications jusqu’à 35 euros par smartphone en Europe

Mardi le 23 octobre, Google a annoncé, qu’il pourrait faire payer ses applications jusqu’à 35 € (ou $ 40) par smartphone en Europe à partir de février 2019. De ce fait, les fabricants sur Android qui souhaitent proposer à leurs clients l’accès à la boutique Google Play, ainsi que d’installer le pack Apps Google (Search, Chrome, YouTube, Gmail etc.), devront alors payer l’entreprise. La grille tarifaire est variable selon les région mais aussi selon le taux de pixels par pouce des appareils commercialisés. La zone la plus chère regroupe: le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, la Norvège et la Hollande, où les smartphones à 35 € ont une résolution supérieure à 500 pixels par pouce.

Le changement du système de ventes de Google, priorisant désormais cette licence « à la carte », est une réponse à la décision de la Commission européenne concernant la concurrence. Accusé d’avoir forcé les fabricants de smartphones Android à pré-installer leur système d’exploitation mobile, Google a entraîné auprès l’UE, en juillet dernier, une amende de 4,34 milliards d’euros (correspondant à 5% du chiffre d’affaires de sa maison-mère, l’Alphabet). Ces nouveaux tarifs pourraient alors faire réfléchir les fabricants à choisir un concurrent, puisque cette marge devra être intégrée dans le prix à payer par le client.

 

Officialisation d’une nouvelle catégorie au festival d’Annecy 

A nouveau ce lundi 22 octobre le Mifa 2018 (Marché international du film d’animation) et le Festival d’Annecy, annonce que la réalité virtuelle, présente depuis 2016, devient une section compétitive. Citia souhaite « confirmer la place de la VR au sein du Festival et du Marché », en développant un programme « transversal, ambitieux et complémentaire à l’offre existante », dédié à la création immersive. En 2018, le poids de la VR s’était   déjà renforcé, rappellent les organisateurs. « Le fait qu’elle devienne compétitive,c’est la partie visible de l’iceberg », prévient le délégué artistique. Dès 2019, la VR va pénétrer l’ensemble des propositions du festival et du Mifa (projections, conférences, Workin Progress…).

Les œuvres immersives et expérientielles, commencent à s’introduire dans le monde du septième art et s’imposent également dans celui de l’animation. Mais “immerger” un “spect-acteur” implique une multitude de techniques plus novatrices les unes que les autres
Donc “une expérience immersive” peut tout autant être un casque de réalité virtuel où on suit une histoire narrée qu’une  une immersion en 360° et narration avec interactions contrôlées comme BattleScar, réalisée par Martin Allais et Nicolas Casavecchia. Comment évaluer cette production de niche?

En effet, malgré son évolution, la réalité virtuelle menace de rester une expérience élitiste car son plus gros problème est son prix. De plus, aujourd’hui,  il n’y a aucun véritable professionnel de la réalité virtuelle, aucun créateur, codeur, graphiste qui connaît toutes les bonnes techniques. Ce manque est d’ailleurs aussi présent chez les constructeurs. Nous pensons que ce n’est que lorsque les constructeurs auront une totale maîtrise de leur domaine, qu’ils se seront spécialisés, qu’enfin l’on pourra créer des outils moins chers, moins encombrant, plus à même de toucher le grand public.

 

 

Par Sarah Fontaine, Paula Castro et Cynthia Jean

Comments are closed